Variants du SRAS-CoV-2 et conséquences sur l'hygiène environnementale

Implications of Sars-Cov-2 variants for environmental hygiene Implications of Sars-Cov-2 variants for environmental hygiene
Dr. Benjamin Alléard
Pharmacien Prévention des Infections / Hygiène des mains - Diversey France
Jun 21, 2023

L’expert en prévention des infections de Diversey France, le Dr Benjamin Alléard, examine l'impact potentiel des nouveaux variants de COVID-19 sur les protocoles de nettoyage et de désinfection.

L'attention croissante portée par les médias aux variants du SRAS-CoV-2 caractérisés au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Brésil, ainsi qu’en France avec le variant dit “breton” et celui repéré à l’hôpital Henri-Mondor, a suscité des inquiétudes quant à l'efficacité des désinfectants et des SHA (solutions hydro-alcooliques) sur ces variants. 

Cet article explique les enjeux et l'efficacité attendue des produits recommandés pour l'hygiène environnementale.


Contexte et mutation virale

Le SRAS-CoV-2 est un virus à ARN simple brin, sens, responsable de la maladie COVID-19 chez les animaux et les humains. La pandémie de COVID-19 a sensibilisé aux risques liés à la mutation du virus, et aux conséquences de ces mutations sur les INP (interventions non pharmaceutiques) de santé publique, notamment l'utilisation de SHA et de désinfectants pour surfaces dures. Bien que la transmission environnementale du virus par les mains ou les surfaces soit considérée comme une voie de transmission secondaire par rapport aux gouttelettes respiratoires, on estime qu'environ 10 % des infections par le SRAS-CoV-2 se produisent par le biais des mains ou de surfaces environnementales contaminées (Ferretti, 2020).


La mutation virale est un phénomène courant

Les virus mutent naturellement et régulièrement au fil du temps en raison d'erreurs manquées par les enzymes de relecture pendant la réplication. La plupart des virus à ARN ont tendance à accumuler des mutations plus fréquemment que les virus à ADN en raison de leur activité limitée de relecture. Les coronavirus constituent cependant une exception à cette règle. Leur ARN a tendance à accumuler moins de mutations que les autres virus à ARN, car les coronavirus ont une activité de relecture plus soutenue, bien qu’ils puissent tout de même accumuler des mutations au fil du temps (Lauring, 2021). Lorsque le virus accumule un certain nombre de mutations, il est identifié comme un variant unique et placé sur l'arbre phylogénétique comme une branche distincte. Les variants ayant des propriétés biologiques différentes - telles que antigénicité, transmissibilité, virulence - sont identifiés comme une souche distincte ; tandis que les variants ayant les mêmes propriétés biologiques que le virus original restent un variant distinct (Lauring, 2021).


Mutations dans l'épidémie initiale

En janvier 2020, le SRAS-CoV-2 a été reconnu comme l'agent pathogène responsable de la pneumonie atypique retrouvée chez des patients de Wuhan, en Chine. Le virus s'est propagé de l'Asie du Sud-Est au reste du monde en quelques semaines. Des épidémies majeures sont apparues en Europe en février et en Amérique du Nord en mars. Les premiers travaux de séquençage de génome entier de début 2020 avaient déjà permis d'identifier un certain nombre de variants distincts. Et tout au long de 2020, une multitude de variants ont été identifiés : notamment les D614G, 614D, Y453F, 19A, 19B, 20A, 20A.EU1, 20A.EU2 et 20B (Lauring, 2021). Aux États-Unis, l'épidémie de la côte ouest a été causée principalement par le variant le plus apparenté aux isolats identifiés à Wuhan, tandis que celle de la côte est a été provoquée avant tout par des variants isolés en Europe (Koyama, 2020).

Fin 2020, l'OMS (Organisation mondiale de la Santé) a publié un bulletin (Koyama, 2020) reprenant les variants connus en circulation. Pour isoler et identifier ces variants, les chercheurs de l’OMS ont testé 10 022 échantillons de patients provenant de 68 pays à travers le monde, et ont effectué un séquençage du génome entier ; ce qui a donné 65 776 variants (un échantillon particulier de virus peut avoir plus d'un groupe de mutations), indiquant une quantité importante de diversité génétique en un an. 

Koyama a regroupé les données en 6 clades (groupes de variants) majeurs et 14 sous-clades. La diversité génétique d'un virus n'est pas inhabituelle et le SRAS-CoV-2 ne fait pas exception.

 

Mutations préoccupantes au début de 2021

Au début de l'année 2021, les chercheurs ont déterminé un certain nombre de variants estimés comme potentiellement capables de se propager plus facilement que les autres. Il s'agit notamment du :

  • B.1.1.7 (ou 501Y.V1) au Royaume-Uni, qui est un variant de 20B ;
  • B.1.351 (ou 20H/501Y.V2) en Afrique du Sud ; et
  • P.1 au Brésil.

Dans chacun de ces pays, ces nouveaux variants remplacent rapidement les autres variants. Certains ont suggéré qu'ils pourraient être plus transmissibles. Cependant, les données épidémiologiques seules (observant quels variants sont présents dans une population) ne sont pas un bon moyen d'évaluer la transmissibilité. Car l'effet fondateur - la réduction de la diversité génétique qui se produit lorsqu'un petit segment d'une population plus importante est utilisé pour établir une nouvelle colonie - et d'autres facteurs peuvent expliquer la substitution des variants et l'augmentation du nombre de leurs cas, plutôt que les nouvelles propriétés biologiques de cesdits variants. Les premières études menées sur des cultures cellulaires montrent que ces variants sont potentiellement plus efficaces pour se lier aux cellules humaines, mais il y a des limites à ce que nous pouvons extrapoler à partir d'expériences sur des cultures cellulaires. 

Il n’est pas clair si ces variants provoquent des formes plus graves de la maladie ou présentent un risque de décès plus élevé, mais des données préliminaires provenant du Royaume-Uni ont montré que le B.1.1.7 n’entrainait pas de variations significatives des taux d’infection dans une étude de létalité sur 28 jours (Public Health England, 2020). Même chose pour le variant identifié à l’hôpital Henri-Mondor, qui circule maintenant activement, et le variant dit “breton” issu du cluster de Lannion : on ne connaît pas à ce stade l’influence sur la contagiosité et la virulence. Cela reste une question clé pour les autorités de gestion des maladies infectieuses du monde entier.  


Les SHA/GHA (solutions et gels hydro-alcooliques) et les désinfectants de surface sont-ils efficaces contre les nouveaux variants du SRAS-CoV-2 ?

L'OMS et l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) recommandent tous deux une hygiène fréquente des mains et l'utilisation de désinfectants approuvés par les pouvoirs publics pour aider à lutter contre le risque de transmission environnementale du SRAS-CoV-2. 

Surface disinfection in store and food service

Les modes d'action des SHA/GHA et des désinfectants pour surfaces dures sont non spécifiques, et impliquent des réactions chimiques avec les agents pathogènes. Il n'a pas été démontré, et il est peu probable, que les variants du SRAS-CoV-2 possèdent de nouvelles propriétés biologiques les rendant plus résistants aux SHA/GHA ou aux désinfectants. 

 

Normes européennes (EN) pour tester les désinfectants

Dans l'UE, le Comité européen de normalisation (CEN) exige des fabricants de désinfectants d'utiliser un ensemble de méthodes d'essai normalisées lorsqu'ils génèrent des données microbiologiques pour les désinfectants chimiques. La production de ces données est une partie importante de la preuve d'efficacité d'un produit biocide. Afin de normaliser la manière dont les fabricants présentent les allégations relatives à leurs produits, les pays de l'UE ont établi des tests microbiologiques quantitatifs standardisés pour démontrer la pertinence des affirmations desdits fabricants. Les micro-organismes représentatifs devant être utilisés lors de ces tests ont été déterminés pour différentes classes, afin de permettre une revendication généralisée contre tous les organismes de ces classes.

Pour les produits utilisés dans un environnement clinique sur des équipements de soins non critiques qui peuvent entrer en contact avec les patients ou le personnel soignant, la norme EN précise que le temps de contact ne doit pas dépasser 5 minutes pour les allégations désinfectantes non sporicides et 15 minutes pour les déclarations d’efficacité sporicides.

Tous les tests de désinfection EN peuvent être réalisés dans des conditions de propreté (0,3g/l d'albumine bovine) pour les désinfectants utilisés sur des surfaces pré-nettoyées (dans un processus en deux étapes) ; ou dans des conditions de saleté (3g/l d'albumine bovine) pour les produits pouvant être utilisés comme détergents-désinfectants en une seule étape (de nettoyage et désinfection). Pour les zones médicales, les détergents-désinfectants doivent être testés en conditions de saleté avec 3g/l d'albumine bovine, plus 3ml/l d'érythrocytes.

Les normes CEN ne concernent qu'un groupe limité d'organismes microbiens. Ceux-ci ont été choisis comme représentatifs, en tenant compte de leur résistance relative et de leur intérêt pratique. Pour l'efficacité virucide, les tests EN autorisent trois niveaux d’allégations ; un fabricant peut en effet revendiquer :

  • Une efficacité sur virus enveloppés : le désinfectant est capable de tuer les virus enveloppés, mais pas les virus non enveloppés ;
  • Une efficacité virucide limitée : le désinfectant est capable de tuer les virus enveloppés ainsi que des organismes d'essai spécifiés ; ou
  • Une efficacité virucide complète : le désinfectant est capable de tuer tous les virus, quelle que soit leur structure.

Pour déterminer l'efficacité virucide d'un désinfectant, la norme EN 14476 du CEN définit quelles souches virales sont considérées comme les plus résistantes. Une efficacité sur le virus Vaccinia (MVA) et/ou Norovirus, Adenovirus et Poliovirus démontre qu'un désinfectant, dans des conditions spécifiées, a des propriétés efficaces contre tous les coronavirus. 

Pour atteindre la norme EN 14476 relative à l'efficacité virucide, les désinfectants doivent être évalués et approuvés par des laboratoires tiers accrédités. Dans la gamme de détergents-désinfectants de surface de Diversey, les produits Oxivir Excel et Oxivir Sporicide sont composés de Peroxyde d'Hydrogène Accéléré (AHP®). La technologie AHP est une formulation brevetée combinant un acide, un tensioactif et un chélateur avec le

peroxyde d'hydrogène pour atteindre des niveaux d'efficacité antimicrobienne qui ne peuvent pas être obtenus avec les désinfectants traditionnels à base de peroxyde d'hydrogène.

Tous les détergents-désinfectants de surface de la gamme Oxivir Excel de Diversey ont passé la norme EN 14476, et prouvé une virucidie complète en seulement 30 secondes en conditions de saleté.

L'OMS effectue des tests sur les désinfectants agréés sur le SARS-CoV-2, pour confirmer leur efficacité sur ces nouveaux variants du virus. Et déclare sur son site Web que les mesures actuelles de contrôle de la maladie continuent d’être admises efficaces dans l’état actuel de nos connaissances (OMS, 2021), recommandant de ne pas modifier les pratiques d'hygiène environnementale.

 

Résumé :

Malgré les inquiétudes sur une transmissibilité plus importante des nouveaux variants du virus SRAS-CoV-2, l'utilisation des désinfectants de surface actuellement autorisés et des SHA officiellement recommandées est considéré comme tout aussi efficace contre ces nouveaux variants. Le respect des protocoles, des plans d’hygiène et du bon usage des produits biocides, est d’autant plus déterminant. Les pratiques de santé publique actuelles, y compris l'hygiène des mains et le nettoyage et la désinfection des surfaces dures, devraient continuer à être appliquées jusqu'à ce qu'il soit prouvé que des changements soient nécessaires.

Utilisez les biocides/désinfectants en toute sécurité. Lisez toujours l'étiquette et les informations sur le produit avant de l'utiliser.

 

Références :

  • Centers for Disease Control and Prevention. Emerging SARS-CoV-2 variants. 2021. Retrieved from: https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/more/science-and-research/scientific-brief-emerging-variants.html
  • Ferretti L, et. al. Quantifying SARS-CoV-2 transmission suggests epidemic control with digital contact tracing. Science. 2020; 368: 619.
  • Koyama T, Platt D, Parida L. Variant analysis of SARS-CoV-2 genomes. Bulletin World Health Organization. 2020; 98: 495-504.  doi: http://dx.doi.org/10.2471/BLT.20.253591.
  • Lauring AS, Hodcroft EB. Genetic variants of SARS-CoV-2 – what do they mean?. JAMA. Published on-line January 06, 2021. doi:10.1001/jama.2020.27124.
  • Public Health England. Investigation of novel SARS-COV-2 variant. Retrieved from: https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/949639/Technical_Briefing_VOC202012-2_Briefing_2_FINAL.pdf.
  • World Health Organization. SARS-CoV-2 variants. 2020. Retrieved from: https://www.who.int/csr/don/31-december-2020-sars-cov2-variants/en/
  • European Centre for Disease Prevention and Control https://www.ecdc.europa.eu/en